Cas de conscience : le monde, autrui et moi
Pour approfondir la question et en appui de ce qu’expose le Dr Laurence Vanin, vous trouverez ci-dessous des textes qui vous permettront de mieux appréhender le sujet.
Mais toute conscience est anticipation de l’avenir. Considérez la direction de votre esprit à n’importe quel moment vous trouverez qu’il s’occupe de ce qui est, mais en vue surtout de ce qui va être. L’attention est une attente, et il n’y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie. L’avenir est là ; il nous rappelle, ou plutôt il nous tire à lui : cette traction ininterrompue, qui nous fait avancer sur la route du temps, est cause que nous agissons continuellement. Toute action est empiètement sur l’avenir.
Henri Bergson, L’énergie spirituelle, in Œuvres, PUF, 1963, p. 818.
Le bon sens est la chose au monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais bien plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement en tous les hommes ; […] Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien.
Descartes, Discours de la méthode, première partie. G.F.
Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs, ou sur les opérations intérieures de notre âme, que nous apercevons, et sur lesquelles nous réfléchissons nous-mêmes, fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées.
J. Locke, Essai sur l’entendement humain, II, 1.
Par le je pense, contrairement à la philosophie de Descartes, contrairement à la philosophie de Kant, nous nous atteignons nous-mêmes en face de l’autre, et l’autre est aussi certain pour nous que nous-mêmes. Ainsi, l’homme qui s’atteint directement par le cogito découvre aussi tous les autres et il les découvre comme la condition de son existence. Il se rend compte qu’il ne peut rien être (au sens où on dit qu’on est spirituel ou qu’on est méchant, ou qu’on est jaloux) sauf si les autres le reconnaissent comme tel. Pour obtenir une vérité quelconque sur moi, il faut que je passe par l’autre.
Sartre, L’existentialisme est un humanisme, p 66.
Autrui ou moi, il faut choisir, dit-on. Mais on choisit l’un contre l’autre, et ainsi on affirme les deux. Autrui me transforme en objet et me nie, je transforme autrui en objet et le nie, dit-on. En réalité le regard d’autrui ne me transforme en objet, et mon regard ne le transforme en objet, que si l’un et l’autre nous nous retirons dans le fond de notre nature pensante, si nous nous faisons l’un et l’autre regard inhumain, si chacun sent ses actions, non pas reprises et comprises, mais observées comme celles d’un insecte.